Qu’est ce qui fait que nous, espèce fragile dépourvue de poils, ayons réussi à conquérir le globe ?
C’est simple, l’espèce s’est adaptée. Les individus qui survivaient aux froids glacials des nouvelles terres découvertes pouvaient se reproduire. Dans leur descendance, ceux qui se sont adaptés survivaient et pouvaient engendrer une autre génération qui devait elle aussi s’adapter. Et ainsi de suite.
Au fil des siècles notre corps est devenue une fantastique machine à survivre dans beaucoup de conditions, dont le froid.
Essayons maintenant de voir comment le froid agit sur nous et comment le corps s’y adapte… Ou pas…
La perception et les mécanismes du froid
Définitions et mesures
Le froid est défini comme « une privation, une absence de chaleur » ou encore « la sensation que fait éprouver toute déperdition de chaleur »
Le froid (en fait la chaleur d’un point de vue scientifique) est quelque chose de relativement abstrait.
Pour les scientifiques la température théorique la plus basse est d’environ -273,16 °C et elle s’appelle le 0° Kelvin ou zéro absolu (du nom du scientifique ayant établi la première échelle basée sur celui-ci).
Ce qu’il y a d’intéressant dans cette histoire est qu’en fonction de l’échelle utilisée pour étalonner la chaleur, nous n’aurons pas les mêmes chiffres.
Dans le monde, il existe deux échelles principales de températures couramment utilisées : le degré Fahrenheit et le degré Celsius.
Le degré Fahrenheit est basé sur le point de fusion de l’eau pure qui est de 32 degrés Fahrenheit et son point d’ébullition qui est de 212 degrés Fahrenheit au niveau de la mer. L’échelle Fahrenheit a une base nonaire, c’est-à-dire que l’on compte de neuf en neuf.
Le degré Celsius, quant à lui, est basé sur le point de solidification de l’eau non salée qui est de 0 degré Celsius et son point d’ébullition de 100 degrés Celsius au niveau de la mer.
Cet intervalle est ensuite divisé par 10, le degré Celsius a donc une base décimale.
L’échelle Celsius fonctionnant sur une base décimale, elle est plus couramment utilisée que l’échelle Fahrenheit car plus simple d’utilisation.
Quelques idées reçues :
Tous les liquides gèlent à 0°C
Faux !!! L’eau de mer, du fait de sa salinité, ne gèle pas à 0°C mais à -1,9°C.
Les Inuits possèdent un gène du froid
Faux !!! Les Inuits, au cours des décennies, se sont acclimatés au froid.
Températures réelles et températures ressenties :
Lorsque les températures sont données par la météo, on entend deux sortes de températures : la température sous abri (sous-entendu la température à l’abri du vent, des précipitations et/ou du soleil) et la température réelle.
En effet, en fonction de la vitesse du vent, la température que l’on ressent (température « réelle ») est abaissée par le phénomène de convection (voir plus bas de quoi il s’agit), c’est ce qu’on appelle l’effet « windchill » en anglais.
De même, en été, le soleil fait « monter » la température « réelle » par les radiations (voir plus bas).
Tableau présentant les effets du vent sur la température ressentie :

Tableau « effet windchill »
De plus, on entend bien souvent que le froid « humide » est plus mordant que le froid sec. En réalité, la conductivité thermique d’un air saturé d’humidité est sensiblement la même que celle d’un air sec.
Ceci étant, les vêtements qui nous isolent, eux, seront moins efficaces sans compter qu’un temps « humide » est souvent accompagné d’un ciel couvert donc avec un plus faible rayonnement solaire. C’est certainement ce qui explique pourquoi on a l’impression d’avoir plus froid lorsqu’il fait humide.
Pour de plus amples informations, voir les excellentes discutions sur le forum de David Manise : http://www.davidmanise.com/forum/index.php/topic,29184.0.html
Thermodynamique du corps humain
Les modes de transfert de chaleur
L’environnement, la nature, a trouvé d’excellents moyens de nous refroidir. Pas besoin de dessin, tout le monde a déjà eu froid voire très froid dans sa vie.
Voyons donc ces « moyens », qu’à la nature pour nous pomper de la chaleur.
La radiation :
N’importe quel corps chaud produit de la chaleur. Cette chaleur se traduit sous forme d’un rayonnement infra-rouge qui se propage dans toutes les directions.
Comme la lumière, la puissance de ce rayonnement décroit avec le carré de la distance. Donc plus on s’approche de la source de chaleur plus le rayonnement est puissant et plus « ça chauffe » et inversement.
Comme la lumière toujours, les rayons infra-rouge ne traversent pas les corps opaques et voyagent en ligne droite. Ainsi tout obstacle opaque (pierre, bois, etc.) renverra les rayonnements, donc la chaleur, à l’opposer d’où ils viennent. La couverture de survie fonctionne selon ce principe : enroulé dedans, elle nous renvoie nos propres rayons infrarouges.
On peut aisément tricher pour récupérer ces rayonnements : mettre un réflecteur (une couverture de survie par exemple) derrière notre dos afin de renvoyer quelques rayons infrarouges vers celui-ci et ainsi augmenter un peu le confort. Quiconque s’étant déjà assis près d’un feu de camp sait que normalement on a trop chaud devant et on a froid dans le dos…
Conduction :
La conduction thermique est un transfert « de chaleur » entre deux « objets » solides à température différente. La conduction d’un objet se fait toujours du milieu le plus chaud vers le moins chaud. Une fois que les deux objets ont atteint une température égale, la conduction s’arrête.
Voyons concrètement ce phénomène de conduction thermique :
Photographie d’un support froid pris à l’aide d’une caméra thermique :

Photographie du même support avec cette fois-ci une main posée dessus :

Photographie du support 10 secondes après avoir retiré la main.

On observe que le support a « absorbé » par conduction une partie de la chaleur de la main :
On constate aisément que la main a « transmis » une partie de sa chaleur à la table par conduction. La main s’est donc refroidie et la table s’est réchauffée.
Pour éviter ce phénomène il faut bloquer le transfert de chaleur par une matière isolante. C’est le domaine où le matelas en mousse est roi ;). À défaut, un bon lit de branchage ou n’importe quoi d’isolant fait l’affaire.
Convection :
La convection est un échange thermique qui se produit au contact entre un objet solide et un fluide (comme l’eau ou l’air), ou entre deux fluides. C’est un phénomène similaire à la conduction sauf qu’il y a déplacement de matière (le fluide en question).
En effet, en « prenant » de la chaleur à un objet plus chaud que lui (le corps par exemple), le fluide se réchauffe, il change de densité (il devient moins dense) et se déplace (il monte quand il se réchauffe et descend quand il se refroidit). Par exemple, l’air en contact avec le corps humain se réchauffe et sa densité diminue. Cette masse d’air réchauffée monte alors puis elle est immédiatement remplacée par par une nouvelle masse d’air froide.
Ainsi, dans un système ouvert comme l’atmosphère, le corps perd de la chaleur en continu car il n’y aura jamais une température d’équilibre entre la quantité astronomique d’air froid et notre frêle petit corps. Pour éviter ce phénomène, il faudrait se mettre dans une bulle étanche (un abri, un sursac de couchage, une tenue NRBC…). Une fois la masse d’air de la bulle à la même température du corps, on ne perd plus de chaleur par convection (dans les fait, on en perd toujours un peu car ce n’est jamais 100 % étanche).
L’évaporation :
Notre corps, pour réguler sa température interne lorsqu’il a trop chaud, a besoin d’évacuer une partie de cette chaleur vers l’extérieur afin de faire baisser sa température interne. Nous connaissons tous le phénomène de transpiration : quand on a trop chaud ou que l’on fait du sport, le corps produit de la sueur.
Aidée par le phénomène de convection cette sueur disparaît de la surface de la peau en se transformant en gaz. Et pour se transformer en gaz, l’eau liquide a besoin d’une grande quantité de chaleur ; quantité de chaleur qui est prise au corps. C’est par ce phénomène que le corps régule sa température.
De même, lorsqu’on respire, l’air expulsé est chaud (tout le monde a déjà fait de la buée en soufflant sur une vitre : c’est la condensation de l’air chaud chargé d’humidité sur une surface froide).
Afin d’éviter ce phénomène, vous allez me dire qu’il suffit de ne pas transpirer et de respirer calmement par le nez. Et vous avez raison ! Mais il existe aussi la transpiration « subie » : tout le monde a déjà été trempé au moins une fois dans sa vie et a eu cette désagréable sensation qu’une force inconnue vous refroidit en permanence… Et bien, la chaleur de votre corps sert à évaporer l’eau des vêtements au lieu de rester « en interne » : vous vous refroidissez.
Pour éviter cela, il faut à tout pris empêcher l’évaporation : éviter d’être mouillé, changer de vêtement, s’enrouler dans quelque chose d’étanche (vous baignerez dans votre jus, mais le jus sera chaud 😉 ).
Ces quatre facteurs: radiation, conduction, convection et transpiration contribuent donc au refroidissement général du corps humain. Pour s’en souvenir, utilisez l’acronyme « CREC ».
Les zones de transfert de chaleur :
Le corps humain perd de la chaleur par notre fameux « CREC ». Mais il ne la perd pas de manière homogène. En effet, certaines zones sont plus vascularisées que d’autres car étant le siège des fonctions vitales de notre corps.
Le sang étant le transporteur de chaleur dans tout notre corps (pour une grande partie), on perd ainsi en moyenne : 20 % de chaleur par la tête, 20 % par le cou, 20 % par le tronc et 10 % pour chaque membre.

Schéma zone déperdition chaleur
Le rapport volume/surface :
Avez-vous déjà remarqué que lorsque vous avez froid la nuit vous vous mettiez en boule, en « chien de fusil », en position du « foetus » ?
Ce réflexe nous permet simplement de perdre moins de chaleur, pourquoi ?
Nous venons de voir comment notre corps perdait de la chaleur (CREC) ainsi que les zones à forts échanges (tête, cou, tronc). Cette chaleur se disperse à la surface de notre peau mais c’est notre corps tout entier qui produit de la chaleur, autrement dit notre « masse », notre « volume ».
Ainsi, lorsque l’on minimise la surface d’échange pour le même volume, on perd moins de chaleur : c’est pourquoi on a tendance à se mettre en boule lorsqu’on a froid.
Merci au lycée Gabriel Touchard de m’avoir permis d’utiliser une caméra thermique ainsi qu’à Criss Kenton et F. pour la relecture.
Guillaume Mussard, moniteur au CEETS.

StrayCat
01/12/2014 at 11:11
Article TRÈS intéressant. Couplé avec un autre sur les techniques de survie à utiliser, ça serait juste parfait. La partie sur les zones de déperdition de chaleur, démontrée à la caméra thermique, est tout simplement géniale et définit bien les priorités.
Hugues
03/12/2014 at 12:04
Merci !! D’autres aussi techniques et bien documentés suivront très prochainement ! Ainsi que d’autres plus fonctionnels dirons nous. A bientôt !
StrayCat
09/12/2014 at 22:41
Aurais-tu d’ailleurs une image thermique de l’avant du corps, pour montrer les déperditions de chaleur de l’autre coté ? Voire même du corps en entier ? ça serait très intéressant pour se faire une idée globale.
Guillaume
10/12/2014 at 08:23
Bonjour,
Les déperditions sont sensiblements les mêmes d’un côté ou de l’autre puisque c’est l’ensemble du buste qui échange environ 20% de chaleur avec l’environnement. Le dos ne rayonne pas plus que le ventre ;).
Guillaume
Solso Made4tactics
26/02/2015 at 11:56
Super article, bien détaillé est très clair.